L’échec de la Philosophie dans le monde moderne

Dans notre univers moderne réglé par les pouvoirs publics, la technologie et les médias, la philosophie à l’école a-t-elle encore sa place ?

 

La réforme de l’enseignement mettra-t-elle fin à la joie de penser de certains et la hantise d’autres : plancher sur des sujets de réflexion plus ou moins préparés en classe à raison de 3 heures par semaine pour les sections scientifiques et 7 heures par semaine pour les littéraires et dont les coefficients respectifs de 3 et 7 détermineront le succès ou l’échec à l’épreuve du Bac 2008.

A la différence des autres disciplines, la philosophie ne n’enseigne qu’en terminale à des élèves en fin d’études secondaires âgés  de 18 ans. Une année qui fait tache dans l’inconscient collectif ! Une année qui démontre à ses jeunes que tout est questionnable et que tout est donc contestable.   L’ordre juste  est un mythe, la justice un leurre, l’égalité une utopie, le bonheur une quête éternelle.   De nombreux philosophes ont planché, eux aussi, sur les grands thèmes existentialistes et sociaux et aucun n’est parvenu à trouver une solution universelle, applicable à tous les problèmes.  En fait ce qu’ils ont prouvés, à raison d’autre chose, est que tout cesse d’être valable ou raisonnable après un certain temps et que le propre de l’homme est de toujours comprendre son monde, les mécanismes qui le règlent et dérèglent.  Tout ceci simplement  afin de s’y adapter en se renouvelant pour le meilleur de préférence …
 

 

 Voici quelques exemples qui ont occupés les candidats stars des sections  S, ES, STG, STI

Ø      L’art transforme-t-il notre conscience du réel ?

Ø      Y a-t-il d’autres moyens que la démonstration pour établir une vérité ? 

Ø      Peut-on désirer sans souffrir ?

Pour les candidats de classes littéraires, les thèmes de réflexions sont classiques et leur récurrence prévisible :  

Ø      Est-il plus facile de connaître autrui que de se connaître soi-même ?

Ø      Peut-on aimer une œuvre d’art sans la comprendre ?

Ø      Est-ce à la loi de décider de mon bonheur ?

Or, cette année plus que jamais la philosophie est livrée à la critique sans merci des législateurs qui voit en elle un instrument déstabilisant. D’où la polémique sur les valeurs fondamentales réservées à l’enseignement secondaire.  La philosophie fait-elle encore partie de ce savoir qui a fait de la France le pays de la contestation, le pays des Droits de l’homme, le pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ?
Ils sont de plus en plus nombreux à en douter comme le déplore entre autres Libération.
 
 
 
 
Dans les années soixante Sartre disait :
«Dans une civilisation technocratique, il n’y a plus de place pour la philosophie, à moins qu’elle ne se transforme elle-même en technique […] Il y a d’ailleurs un signe très net de cette évolution : la philosophie tend à devenir l’apanage des universitaires. Certes, les philosophes, chez nous, ont toujours été des professeurs. Mais autrefois on s’efforçait d’amener les élèves à prendre conscience des problèmes, en leur laissant le soin de les résoudre eux-mêmes. Aujourd’hui, on les tranquillise. Le philosophe technicien sait, et dit ce qu’il sait.»
 La pensée de Sartre est considérée comme ringarde de nos jours mais n’avait-il pas anticipé avec justesse une évolution non seulement de la civilisation mais de la pensée qui l’accompagne…

Trente ans plus tard sur le même thème Bourdieu écrivait :

« Je pense en effet que la télévision, à travers les différents mécanismes que je m’efforce de décrire d’une manière rapide, fait courir un danger très grand aux différentes sphères de la production culturelle, art, littérature, science, philosophie, droit ; je crois même que, contrairement à ce que pensent et à ce que disent, sans doute en toute bonne foi, les journalistes les plus conscients de leurs responsabilités, elle fait courir un danger non moins grand à la vie politique et à la démocratie. » Bourdieu (1996) « Sur la télévision ».

 

 

 

Un autre sujet proposé au bac philo cette année est l’ analyse d’un texte d’Alexis de Tocqueville (De la démocratie en Amérique) qui écrivait :

« Il existe une loi générale qui a été faite ou du moins adoptée, non pas seulement par la majorité de tel ou tel peuple, mais par la majorité de tous les hommes. Cette loi, c’est la justice.

La justice forme donc la borne du droit de chaque peuple.

Une nation est comme un jury chargé de représenter la société universelle et d’appliquer la justice, qui est sa loi. Le jury, qui représente la société, doit-il avoir plus de puissance que la société elle-même dont il applique les lois ?

Quand donc je refuse d’obéir à une loi injuste, je ne dénie point à la majorité le droit de commander ; j’en appelle seulement de la souveraineté du peuple à la souveraineté du genre humain. […]

Qu’est-ce donc qu’une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu’on nomme la minorité ? Or, si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n’admettez-vous pas la même chose pour une majorité ? Les hommes, en se réunissant, ont-ils changé de caractère ? Sont-ils devenus plus patients dans les obstacles en devenant plus forts ? Pour moi, je ne saurais le croire ; et le pouvoir de tout faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l’accorderai jamais à plusieurs. »

 Comme conclut l’article de  Libération :

 

« Derrière l’attaque de l’épreuve de la philosophie au baccalauréat, c’est le cliché de l’époque actuelle qui s’exprime, alimenté par nos nouveaux philosophes : on ne supporte plus que l’on se livre à des activités étrangères à la rentabilité. Il faut que le lycée distribue des savoirs utilisables et non pas qu’il égare la jeunesse sur des «chemins qui ne mènent nulle part». »

6 réponses à “L’échec de la Philosophie dans le monde moderne

  1. pour moi la philosophie reste et demeure indispensable dans cette vie materielle que nous menons.

  2. Tout à fait d’accord… Cependant pour réfléchir sur le sens de la vie, il faut avoir du temps. Or la société moderne et Sarkozy encouragent le peuple à travailler sans cesse pour gagner et consommer plus! Philosopher n’est-il pas un luxe réserver à une élite condescendante?

  3. Philosopher plus pour gagner moins.

  4. Gagner moins mais vivre mieux !

  5. on n a pas besoin des philosophes pour construire des infrastructures, faire des progres dans le domaine de la medecin ansi de suite

  6. Je crois qu’il y a comme vous le dite un échec de la philosophie. Un double échec qui plus est.
    D’abord par ce qu’il lui est impossible d’être complètement matérialiste.
    L’échec réside lorsque l’on conçoit un sujet conceptuel, qui échappe de part sa nature à une représentation matérielle.
    La couleur blanc, par exemple, en temps que concept, peut être sujet du discours sans pour autant faire aucune référence à un objet particulier, qui ne posséderait qu’une partie du concept.

    Le second échec, est l’échec de la philosophie à être purement idéelle.
    L’idéalisme se heurte à la communication de sa nature par l’emploi d’un média, comme la parole, qui est matérielle.

    C’est donc un double échec, d’être vrai ou heureux, dans l’un et l’autre camp, qui n’a selon moi, et en l’état actuel de mes connaissance, pour solution que l’alternative suivante :

    – le nihilisme : on peut douter de tout, et tout nier. Le monde subjectif est illusoire, autant que peut l’être le monde matérialiste. Ni l’un plus vrai ou plus faux que l’autre.
    – le relativisme : j’accepte et/ou je refuse selon l’humeur et les phases de la lune, telle ou telle chose, sans pouvoir faire un choix qui me satisfasse pleinement, ne pouvant jamais réconcilier les deux mondes.

    Selon la thèse de Lacan, le langage nous rendrait captif de nos propres idées, car il serait le sujet de son observation et de son étude en propre…

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